Monsieur le Président, chers collègues,
Au terme de cette journée de session riche en interventions, je m’efforcerai d’être aussi clair et concis que possible. Je ne m’étendrai pas sur le contexte national et international tourmenté dans lequel ce budget a été préparé et dans lequel il va être mis en exécution. Avec une inflation qui avoisinera les 6 % et une croissance économique sûrement inférieure à 1 %, notre pays avance vers 2023 le ventre noué. Les projections économiques les plus récentes ne font qu’accentuer l’inanité des prévisions de la nouvelle loi de finances, adoptée hier après les difficultés que l’on sait.
Tout cela va toucher le budget du département du Morbihan, en recettes comme en dépenses, dans une proportion impossible à mesurer.
En terme de recettes de fonctionnement, vous prévoyez un montant de 711 millions d’euros, en hausse de 4,6 % (soit 32 millions d’euros de plus qu’au BP2022). On peut noter une progression de 8 millions d’euros du concours financier de la CNSA - Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui va, entre autres choses permettre de couvrir une partie du soutien apporté aux SAAD - Services d'Aide et d'Accompagnement à Domicile. L’essentiel des recettes viendra à nouveau de la fiscalité indirecte (155 millions d’euros) et reversée (299 millions d’euros), qui représente 63 % de l’ensemble. La prévision d’encaissement des DMTO progresse ainsi de 10 millions d’euros par rapport à l’année dernière. La fiscalité directe est fixée à 38 millions d’euros, soit 5,4 % de recettes. C’est légitime du point de vue de la rigueur comptable, mais artificiel du point de vue politique puisque sa principale composante – la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (estimée à 36 millions d’euros) – est appelée à disparaître en 2023-2024. Si on retire cet impôt de production du calcul, la fiscalité directe ne représente plus que 0,25 % des recettes de fonctionnement du département !
Nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises et encore il y a deux semaines lors des débats d’orientation budgétaire : c’est le coup de grâce porté à l’autonomie fiscale et financière des départements, désormais totalement dans la main de l’Etat. Tout cela s’opère avec une forme de mépris gouvernemental pour les capacités des élus locaux – je le dis d’autant plus vigoureusement que vous comptez dans vos rangs, chers collègues de la majorité, plusieurs élus qui soutiennent la politique du Gouvernement et dont le silence m’échappe, il vaut sans doute approbation – mépris des élus locaux donc, et, ce qui est plus grave, cela se fait dans l’indifférence générale de nos concitoyens, pourtant largement favorables à la décentralisation et sensibles au principe de subsidiarité.
Du côté des dépenses de fonctionnement, ce sont 648 millions d’euros qui sont crédités, en hausse de 5,8 % (soit 35 millions d’euros de plus qu’au BP2022).
Les dépenses augmentent déjà car une réalité économique et sociale s’impose à nous :
· La prise en compte des effets de l’inflation commence à apparaître ; par exemple avec le patrimoine mobilier : le crédit de gestion de la flotte (520 véhicules, frais de carburants, achats de pièces mécaniques) passe de 2,3 à 2,9 millions (+ 586 K€, + 24 %), alors que dans le même temps le Département accentue l’acquisition de véhicules électriques. Carburant : 1,1 M€ au BP2022 vs 1,48 M€ BP 2023
· les décisions de l’État de revaloriser les salaires de certains travailleurs (dégel du point d’indice, Ségur de la santé), déjà intégrées au cours de l’exercice par décision modificative, impacte en année pleine la charge de la masse salariale.
Les évolutions des dépenses de solidarités et d’action sociale permettront, on l’espère, de mieux coller à la réalité du terrain.
Pour la 2e année consécutive, les crédits de l’insertion sont revus à la baisse (on se souvient qu’au cours de l’exercice actuel, vous avez par décision modificative transféré de l’argent de l’insertion vers les personnes âgées et personnes handicapées). Vous justifiez ce choix par la baisse du nombre d’allocataires : on ne saurait que trop vous rappeler que beaucoup d’acteurs de terrain observent un grand nombre de personnes en grande difficulté, ne faisant pas valoir leurs droits. On s’étonne de la même manière, cela a été dit, de voir l’enveloppe dédiée au FSL (fonds de solidarité pour le logement) s’amoindrir.
La dynamique des recettes permet de maintenir les investissements à hauteur de 189 millions d’euros.
Hors gestion de la dette (27 millions d’euros), les dépenses d’investissement sont prévues à hauteur de 161 millions d’euros.
57 % Dépenses d’investissement direct (92 millions d’euros), dont 1/3 pour les collèges et un autre 1/3 pour les routes.
43 % Dépenses d’investissement indirect (69 M€).
Pour couvrir des besoins, une autorisation d’emprunt de 98 millions d’euros est proposée. C’est le jeu du budget primitif : on ne peut pas tenir compte de l’éventuel excédent. Or on sait que grâce à la hausse des DMTO, 2022 s’annonce comme une nouvelle année excédentaire. Comme c’est le cas depuis trois ans, vous avez laissé entendre que le non-recours à l’emprunt était envisagé en 2023. Vous avez ouvertement laissé entendre que la dette départementale pourrait passer sous la barre des 100 millions d’euros à l’issue de l’année 2023.
Compte tenu de l’ensemble de nos réserves sur le logement, l’autonomie, l’insertion, les mobilités, nous ne pouvons joindre nos voix aux vôtres pour voter le budget primitif 2023. Nous nous abstiendrons.
Je vous remercie.
Mathieu GLAZ