Monsieur le Président, chers collègues,
Face à l’élaboration difficile et, c’est un euphémisme, acrobatique d’un budget viable, dans un contexte politique et financier aussi incertain, nous nous livrons à un exercice peu commun : examiner en préparation de cette session un projet déjà en partie caduque pour aujourd’hui prendre position sur un projet budgétaire à la structure instable, appelé à être profondément revu en cours d’année.
Vous avez en effet choisi de maintenir, envers et contre toutes les turbulences de ces dernières semaines, l’examen du budget primitif – il n’aura jamais aussi bien porté son nom – pour 2025. Cela pourrait passer pour de la témérité. J’y vois plutôt de votre part et de la part de la majorité le signe d’une certaine confiance en soi (il en faut toujours) et surtout d’une confiance dans la solidité financière du Département – ou du moins d’un niveau d’inquiétude somme toute mesurée, qui permet d’aborder l’année à venir sans bousculer le calendrier habituel.
En cela, vous donnez un peu raison à votre opposition, nous qui répétons depuis le début du mandat que le Département a des moyens d’action plus importants que ceux qu’il se contente d’employer. Un peu comme un athlète bodybuildé qui se borne à ne soulever que des poids légers, par peur de se faire mal.
Dans ce contexte bousculé, quelques certitudes restent valables depuis le débat d’orientations budgétaires, à commencer par la hausse des dépenses sociales (de l’ordre de 6 % ?), notamment avec l’entrée en vigueur de la loi Plein Emploi, objet d’un rapport précédent.
D’autres points restent en suspens en attendant que l’Etat soit doté d’un budget :
● Quid de la ponction sur les collectivités territoriales, soit 14 M€, peut-être 9 M€ si les AIS (aides individuelles de solidarité) sont exclues du calcul ?
● Quid de l’augmentation des cotisations retraite des fonctionnaires (estimées à 2,1 M€ pour le Morbihan) ?
Mais cet horizon bouché n’empêche pas le navire Morbihan d’avancer.
Raisonnablement confiant, qui ne le serait pas quand on sait que la collectivité achève sa sixième année sans emprunter, quand on sait que l’encours de la dette n’a cessé de diminuer depuis 2016 et que, rapportée au nombre d’habitants et en intégrant vos prévisions, elle pourrait s’élever fin 2025 à 180 € par Morbihannais (moyenne française en 2023 : 488 €/habitant, 2,7 fois plus élevée). Avec un excédent budgétaire attendu fin 2024 – la réserve de précaution de la collectivité, longtemps alimentée par les DMTO – faible, si le niveau des dépenses de fonctionnement ne permet pas de dégager une capacité d’autofinancement aussi forte que ces dernières années, le département du Morbihan peut couvrir, sans se mettre en péril à court et moyen termes, ses investissements en empruntant. On ne vous le reprochera pas !
En revanche, on peut reprocher à la majorité de ne pas être allé chercher le maximum de recettes de DMTO ces dernières années, ou tout au moins dès 2024, laissant fondre la réserve de précaution qui s’était constitué au fil des ans, réserve qui aurait permis de maintenir des politiques de solidarités humaines et territoriales plus fortes, quitte à revisiter plus que vous ne le faites la pertinence des investissements projetés dans ce mandat.
Vous préférez adopter « un important plan d’économies » (je vous cite). Lors du DOB, vous en annonciez la présentation détaillée pour la session de ce jour. Or à la lecture des rapports, on croit comprendre que ce ne sont en fait que les premières mesures envisagées (p. 112). Vous pourrez peut-être lever cette inquiétude. Y-aurait-il d’autres annonces à venir ?
Ces mesures d’économie, que vous égrenez au fil des semaines (déjà lors des commissions permanentes, puis lors du congrès des maires…), sont discutables. Le nouveau mécanisme de versement des subventions, qui propose de regarder préalablement les capacités de financement des acteurs (particuliers, associations…) qui sollicitent des subventions nous semble frapper au coin du bon sens et on s’étonne que ce dispositif ne soit pas définitif ; la fin des subventions au patrimoine privé lucratif et fermé au public nous paraît également une mesure d’économie judicieuse ; la diminution temporaire de la subvention de fonctionnement à l’agence de développement du tourisme peut se justifier.
Mais il en va différemment de la suspension complète du PST, sans distinction entre les communes pauvres et fortunées, ou la fin du soutien aux structures d’accueil de loisirs. Ces économies-là ne reçoivent pas, vous l’aurez compris, notre soutien.
C’est pourquoi, sans mésestimer la difficulté du temps, nous ne vous suivons pas sur le chemin sur lequel vous voulez engager le Département. Nous ne pouvons accepter le budget que vous nous proposez. Les élus de l’opposition voteront par conséquent contre ce rapport.
Je vous remercie.
Mathieu Glaz