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Discours de politique générale - Septembre 2024

 

Monsieur le Président, chers collègues,

Le mois de septembre est traditionnellement le lancement symbolique d’une nouvelle année, pleine de projets, d’enthousiasme, de bonnes résolutions parfois, d’ambitions. Pourtant, dans cette assemblée comme au niveau national, cette rentrée semble désespérément vide: alors aujourd’hui nous souhaitons vous faire part de notre déception face au manque de sujets soumis à délibérations pour cette session ouverte au public, et cela en comparaison à ceux, nombreux, étudiés à huis clos à la dernière commission permanente.

Après la crise politique déclenchée par la dissolution, encore irrésolue de l’urgence sociale dont les Françaises et les Français nous ont fait part, le Département, en son rôle de chef de file de l’action sociale, a l’obligation d’être au rendez-vous.

Le département doit être à la hauteur face au vieillissement de la population morbihannaise et des enjeux qui l’accompagnent. Une grève nationale des laboratoires médicaux et de nombreux Ehpads a débuté hier; des maires de nos communes bretonnes se sont réunis dans le collectif «Territoires en résistance pour le grand âge» afin de faire valoir les droits fondamentaux de leurs aînés et attaquer l’Etat en justice pour manquement au financement de leurs Ehpad. Le mouvement s’étend maintenant sur l’ensemble du territoire national. Nous devons être à leurs côtés, nous devons être à la hauteur.
Sur les droits des plus précaires, dans Ouest-France cette semaine, un Rapport ATD Quart Monde décrit la spirale infernale des traitements inadaptés. Elle mène les plus pauvres d’entre nous d’une violence à une autre. Le manque de moyens financiers et de ressources suivent des décisions politiques qui fragilisent leur accès aux droits.

Le département doit être au rendez-vous, aussi, auprès des aidantes et aidants. Ici dans le Morbihan, nous avons été informés par la ligue contre le cancer, des délais qui, bien que fortement réduits, sont encore trop longs pour la délivrance de cartes d'invalidité par la Maison Départementale de l’Autonomie. Il s’agit certainement d’un manque de moyens, et nous ne remettons certainement pas en cause le travail des services. Mais le délai actuel grève un maillon essentiel des mécanismes d’aide : c'est seulement lorsque les malades accèdent à cette carte d’invalidité que les aidants qui ont arrêté de travailler pour prendre soin de leur proche, peuvent prétendre à une indemnité journalière.

 

Vous comprendrez aisément que ces délais trop long, dans des situations qui sont souvent celles de fin de vie, font que ce droit reste en réalité théorique et n’est quasiment jamais accessible. Probablement il s’agit-il d’un dispositif dont il faudra nationalement repenser les modalités mais nous sommes convaincus que le Département doit agir rapidement, et développer des actions pour favoriser l’aide aux aidants et le droit au répit. Ils permettent un confort bien supérieur pour les malades, et des charges bien moindres.

Soyons à la hauteur, sortons de la paralysie : nous avons beaucoup trop attendu !

 
Après avoir attendu que le président de la République passe l’été à regarder les Jeux Olympiques en procrastinant quant à la désignation d’un Premier ministre après avoir précipité une dissolution hasardeuse ;
Nous attendons que Monsieur Barnier forme un gouvernement,

Nous attendons également de connaître le Projet de Loi de Finances,

Nous attendons qu’une session parlementaire soit convoquée par Monsieur le Président de la République ; la Présidente de l’Assemblée nationale, membre de la majorité présidentielle, elle-même le réclame.

 

Cette attente, cette paralysie ne révèlent que le prolongement du macronisme. Désormais, vous et votre famille politique, choisissez de maintenir la trajectoire négative de l’ancienne majorité présidentielle, tout en poussant a priori le curseur, plus encore, à droite.

 

J'aimerais ici rappeler que l’ex-majorité présidentielle et les Républicains ont très largement bénéficié du vote des électeurs de gauche. Comme nous le disions à la session précédente : à gauche, il n’y aucune hésitation lorsqu’il faut faire barrage à l’extrême-droite, car la gauche, justement, c’est la défense de la République.

L’élection l’a prouvé au second tour : les électeurs du NFP ont voté à plus de 70% pour un candidat Ensemble ou Les Républicains, alors que ce chiffre tombe à 50% dans le cas inverse, et à 30% dans le cas d’un candidat issu du parti de la France Insoumise.

 

Cet échec, celui de la prolongation du macronisme, c’est celui du discours de la droite qui a contribué à façonner l’image d’une gauche, que certains désignent comme l’extrême-gauche, une image plus antisémite que l’extrême-droite, que le Rassemblement National. Nous ne pouvons le tolérer.

Concernant vos remarques au sujet de la responsabilité de la gauche sur le nomination de Monsieur Bernard Cazeneuve : soyons honnête. Monsieur Bernard Cazeneuve n’a jamais été le choix privilégié du chef de l’État. L’hypothèse a été écartée à l’instant même où la menace de la motion de censure à été évoquée par l’extrême droite, une évidence, permettant par ailleurs de reporter habilement les critiques sur le Parti Socialiste. Ce dernier aurait “laissé passer sa chance” ? En ne donnant pas un blanc-seing à cette fausse proposition ? Encore une fois, l’hypothèse Cazeneuve n’était qu’une hypothèse.

 

Nous retenons de cette période de chaos politique dans lequel nous a précipité Emmanuel Macron, un risque important de futures démobilisations de l’électorat. Quand dans le même temps l’extrême droite est aux portes du pouvoir en France et ce dans le cadre d’une montée internationale de ces mouvements radicaux, c’est d’une inconséquence historique.
Car le vote massif aux législatives a démontré un sursaut républicain de nos concitoyens. Ce vote a mis en tête le Nouveau Front Populaire, sans qu’il soit majoritaire, impliquant des échanges et compromis à l’assemblée nationale, ce qu’avait proposé Lucie Castets dans son courrier aux députés courant de l’été.
Alors on peut tergiverser, dire que la gauche n’a pas gagné, nier l'évidence, même si je remarque que chez vous Dominique De Villepin, Henri Guaino, Jean-Louis Debré finissent par dire l’évidence et dire que le gouvernement en cours de formation n’a aucune légitimité démocratique.

Alors, en choisissant Monsieur Barnier comme Premier ministre, le Président a décidé de se mettre dans la main de l’extrême-droite qui n’aura de cesse à l’avenir de faire monter les enchères. Donner le pouvoir au RN et à ses idées pour contrer l’extrême droite, c’est une stratégie qui allie de futures défaites au déshonneur. C’est la trahison des électeurs qui, massivement, ont fait barrage républicain.

 

Quant au RN, leurs électeurs, comprennent, j’imagine amèrement que leurs représentants permettent, en refusant à ce stade de voter une motion de censure le prolongement de la macronie en pire ! L’alternative au libéralisme qui écrase et rend malheureux bon nombre de nos concitoyens : c’est la gauche et l’écologie réunie ! Et je suis fier de porter ces valeurs-là à l’Assemblée nationale.

 

L’Europe a ouvert une procédure pour déficit excessif contre l’Etat français. Le dérapage budgétaire a été provoqué par la politique de l’offre menée par le Ministre de l’Économie et des Finances publiques. Si la politique budgétaire reste inchangée, le déficit pourrait atteindre 6,2% en 2025.

Ici, vous vous êtes donné comme objectif d’une dette au Département que vous souhaitez en fin de mandat identique à celle du début de mandat. C’est votre objectif mais que vaut cet objectif s’il n’est pas mis en relation avec l’offre de service public délivrée par le département et principalement à destination de celles et ceux qui en ont le plus besoin ?
Comme le rappelle le Collectif Nos Services Publics, les besoins augmentent plus vite que les moyens donnés par le cadre légal à l’action publique. Pourtant, notre département répond le plus souvent dans la limite la plus stricte du cadre légal qui lui est donné. Qu’en est-il de l’efficacité des mesures et des budgets délivrés ? Nous devons nous poser la question.

 

Dans ce contexte, que devons-nous en conclure ? Devons-nous nous résigner à abandonner nos concitoyens parce que nous n’en aurions pas les moyens ? Ou pensons-nous qu’il est possible de financer notre modèle social en rétablissant une certaine justice fiscale ?

 

Les moyens existent, monsieur le Président. Le gouverneur de la banque de France lui-même propose de “revenir sur les baisses d’impôts des plus aisés”, “de lever le tabou des hausses d’impôts”.

 

Car en effet, dans le cas français, comme au niveau du département, le réel problème ne se trouve pas dans la dette, mais dans le renoncement à se donner les moyens d’agir, en renonçant à mobiliser le potentiel fiscal et principalement des plus riches, celles et ceux qui ont le plus de moyens et qui pourtant, paient en pourcentage moins d’impôts que la moyenne de nos concitoyens. Dans les entreprises aussi, les TPE et PME contribuent plus que les multinationales. Où est la logique ?

 

Le ruissellement ne fonctionne pas. Une partie des niches fiscales sont improductives et ne créent pas d’emplois, elles finissent trop souvent en dividendes dans la poche d’actionnaires.
Le dernier rapport Oxfam met en exergue l’enjeu à rétablir de la justice fiscale et le potentiel financier qui est lié :

- Dans les 30 prochaines années, une poignée de milliardaires français transmettront à leurs héritier∙es plus de 460 milliards d’euros de super-héritages. Si rien n’est fait, l’Etat perdra 160 milliards en raison des niches fiscales existantes.

- En France, les 1% les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total alors que plus de 80% des Français ne déclarent posséder ni assurance-vie, ni actions directement.

 

Il y a là un enjeu de justice fiscale et de réelle capacité de l’Etat à pouvoir agir pour faire face aux enjeux climatiques et sociaux.

 

Les urgences sont nombreuses, partout dans le Pays.

 

Ici dans le Morbihan, nous attendons que le Département agisse à la mesure des besoins des Morbihannaises et des Morbihannais.

 

Nous attendons qu’il le fasse de façon démocratique et transparente.

Deux des commissions qui représentent les budgets les plus importants pour le Département n’ont aucun bordereau représenté : la Commission 2 (autonomie, personnes âgées et personnes handicapées) et la Commission 3 (insertion, famille, enfance et action sociale). Nous espérons que cela puisse, éventuellement, se justifier par la présentation d’un travail approfondi sur ces sujets à la prochaine session. Qu’en est-il du bilan annuel du Schéma départemental de l’autonomie, comme vous vous y étiez engagés ? Près de deux ans après son approbation…

 

Contrairement à la situation de la plupart des Départements décrite par le Cour des Comptes dans son dernier rapport sur les finances publiques locales, le Morbihan reste attractif et nous permet de maintenir des recettes, en particulier via les droits de mutation à titre onéreux. Nous ne subissons que de façon limitée “l’effet ciseaux” des baisses de recettes et de l’augmentation des dépenses.

 

Les dépenses des collectivités ont augmenté plus vite que l’inflation, notamment les aides sociales. Il n’y a pas eu de revalorisation de ces aides, pourtant parmi nos missions principales. Il s’agit en particulier des prestations de compensation du handicap, l’aide sociale à l’enfance, et le manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap. A la suite du succès que l’on a observé pour les Jeux Paralympiques, nous devrions sérieusement nous questionner.

 

Enfin, le gouvernement requiert que les collectivités territoriales diminuent leurs dépenses de 0,5% par rapport à l’inflation. Quelles réductions envisager dans le Morbihan lorsque nous avions soulevé, déjà en 2021, que notre département était celui qui dépense le moins par habitant en matière sociale et en comparaison à nos voisins ?

 

Un autre exemple, est celui du non renouvellement annoncé fin août, de 500 postes socio-éducatifs au sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, dont une trentaine pour la région bretonne. Nous proposons que le Département s’exprime sur ce sujet afin de trouver des solutions nouvelles et rapides pour faire face à la dégradation constante de la protection de nos enfants.

 

A propos de la jeunesse, nous regrettons que la majorité départementale, consultée au Conseil Départemental de l’Education Nationale, ait voté pour la nouvelle carte scolaire lors des consultations. Un enjeu pourtant crucial face aux nombreuses fermetures de classes. Une approbation de cet affaiblissement supplémentaire de l’offre de service public !

 

Pour revenir à notre assemblée de ce jour, le peu de sujets abordés dans cette session, en comparaison à ceux traités la semaine dernière en commission permanente est une illustration flagrante.

 

Sans écoute, sans débat, en gardant les délibérations dans des endroits clos, nous participons à nourrir l’écart entre nos concitoyens et nous élu.es.

 

De ce fait, certaines décisions nous surprennent. Mes collègues y reviendront : il y a un manque de démocratie, et un décalage entre le traitement des activités économiques au service d’une attractivité sans fin, et les insuffisances de financement des politiques sociales.

 

Quand nous savons, selon les estimations du Secours Populaire, que 62% des Français sont touchés ou menacés par la pauvreté - un chiffre en hausse de 4% par rapport à 2023 - et que dans le même temps la solidarité reste très forte, pourquoi ne pas l’encourager ? Le rapport “18ème baromètre de la pauvreté” que je cite ici estime en effet que 66 % des Français sont disposés à s'impliquer personnellement pour aider les personnes en situation de pauvreté.

Pour conclure, nous devons être à la hauteur, monsieur le Président. A la hauteur du besoin de transparence de nos institutions pour tenter de rapprocher les citoyennes et les citoyens des décisions qui sont prises ; à la hauteur des attentes des aidantes et aidants, des personnes âgées, des travailleurs sociaux et soignants qui crient les urgences partout sur le territoire ; bref, nous devons être à la hauteur de notre institution, cheffe de file de l’action sociale.

Damien Girard - Président du groupe de Gauche et Écologiste