Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,
Comme chaque année, le débat d’orientation budgétaire offre à notre assemblée l’occasion de comparer la situation du Morbihan avec celles des autres départements français. Si nationalement la « santé financière » des départements a évolué favorablement au cours des deux années passées, on peut remarquer que, ici dans le Morbihan, ces progrès sont plus prononcés :
• hausse des recettes, grâce aux DMTO
• hausse de l’épargne nette
• maintien de l’investissement
• désendettement
Rapportées au nombre d’habitant, il apparaît qu’au sein de la Bretagne historique (à 5 départements), le Morbihan était en 2021 le moins riche en terme de recettes de fonctionnement. C’est omettre un peu vite que les comparaisons se font sur des bases fiscales différentes. Sur les quelques taux pour lesquels nous avons encore la main (taxe d’aménagement, droits de mutation), notre département a de longue date fait le choix du minimum minimorum.
Sachant qu’en 2021 les DMTO équivalaient à 25 % de ces recettes de fonctionnement, le fait de jouer sur cette seule variable changerait évidemment la donne.
À ce jour, cela place le Morbihan dans une situation plutôt rassurante, avec des marges de manœuvre qu’il convient de ne pas négliger.
Notre débat se déroule bien évidemment dans un contexte difficile, nous le mesurons tous. Vous en livrez, M. le président, dans votre texte introductif, une lecture emprunte de gravité et d’appréhension.
Loin d’apporter des solutions, par ses velléités d’encadrement autoritaire des dépenses de fonctionnement, on pourrait croire que l’État tient à mettre de l’huile sur le feu en ajoutant un peu plus de tracas aux collectivités territoriales. Les débats parlementaires sur la loi de finances 2023 ne sont pas clos mais le bien mal nommé « pacte de confiance » ne passera sans doute pas l’hiver ; les déclarations du ministre Béchu au Sénat il y a quelques semaines laissaient entrevoir un dispositif moins infantilisant que ce qui avait été initialement porté par Bercy. Le discours de la Première ministre hier sur la restauration de la confiance avec les élus locaux – confiance largement entamée, faut-il le rappeler, lors du précédent quinquennat par les contrats de Cahors mis en place par le gouvernement d’Édouard Philippe – semble enterrer pour l’heure ce mécanisme d’étranglement des finances des principales collectivités.
Ce semblant d’écoute n’ira pas sans doute jusqu’à revenir sur la volonté du Gouvernement de Mme Borne de supprimer la CVAE d’ici 2024. Cela achèvera de placer la quasi-totalité des finances départementales dans ce que le rapport nomme « les recettes sensibles à la conjoncture économique », une formulation qui laisse présager une certaine instabilité.
On peut questionner ce point de vue. La présentation des faits telle qu’elle est énoncée dans le rapport conduit presque mécaniquement à légitimer votre ligne politique : le présent est déjà compliqué, l’avenir est incertain (2023 verra, on le sait, Morbihan Énergies renégocier ses contrats de fourniture d’électricité…), alors prudence, hâtons-nous lentement !
Il n’est pas inutile à ce titre de rappeler l’évolution des DMTO ces dernières années. Même en occultant la prudence qui amène les Départements – le Morbihan plus que les autres – à minorer cette recette, les 140 millions d’euros annoncés pour le BP2023 (soit 10 millions de plus qu’au BP2022) nous placerait toujours à un niveau élevé, proche des encaissements constatés aux CA 2019 et 2020.
Avec toujours la possibilité d’en majorer le taux (de 3,8 à 4,5 %).
Si l’instabilité doit devenir la norme, à court ou moyen terme, cela pose une question de fond qui devrait vous conduire à réviser une position de principe que vous avez énoncée ici même à plusieurs reprises : celle de ne pas engager de nouvelles dépenses de fonctionnement sur des recettes que vous jugez instables. Est-ce durablement tenable?
Certes cette position vous permet de favoriser l’investissement et de mettre en exergue le milliard d’euros de crédits à venir dans le cours du mandat. Mais dans le même temps, ce sont des services en manque d’agents, des délais de traitements trop longs, des citoyens qui ne font pas valoir leurs droits aux aides faute d’information…
Quitte à passer pour des « thuriféraires de la dépense publique », nous disons simplement que le sort des plus fragiles ne doit pas être perdu de vue. Il doit même être notre priorité.
Je vous remercie.
Mathieu GLAZ