Monsieur le Président, chers collègues,
Quand en 1988, le revenu minimum d’insertion a été créé par Michel Rocard, il s’agissait de donner à chaque citoyen l’accès à un revenu minimum pour pouvoir vivre et non être en survie ! A l’époque, jeune élue Lanestérienne, je me souviens que le RMI représentait 50 % du SMIC et je me rappelle avoir eu des réticences à la mise en œuvre du I de RMI : l’insertion, cela supposait que pour survivre, on devait avoir une activité sociale …
Le RSA représente -à peine- aujourd’hui 35 % du SMIC.
Lors de la création du RMI, un quart des allocataires étaient suivis dans leur démarches de recherche de formation et d’emploi. Aujourd’hui, on en est en moyenne à un professionnel pour 100 personnes accompagnées.
Le RSA et notamment le A d’Activité, fait débat : il suppose que le bénéficiaire est inactif.
Or, survivre dans la grande précarité est un combat quotidien… dans notre pays, les responsables politiques sont d’une inventivité incroyable pour discriminer toujours davantage les plus pauvres.
Dans le cadre du débat de France Travail, on voit bien que le suivi et l’accompagnement sont plus axés sur le contrôle et le flicage que sur l’accompagnement et le soutien. D’ailleurs, on peut s’attendre à ce que ce suivi soit confié, comme plusieurs prestations de Pôle emploi actuellement, à des entreprises privées très peu investies dans l’accompagnement… c’est en effet un marché juteux car, même si on peut noter une petite baisse du nombre d’inscrits à Pôle emploi, on sait que ces 6 millions représentent aussi une manne financière…
A chaque fois que le nombre d’allocataires du RSA est en hausse, cela signifie : augmentation de la précarité, notamment pour des personnes vivant seules, souvent jeunes.
C’est la double peine avec l’inflation de l’alimentation et de l’énergie.
Sans parler du non-recours au RSA qui se chiffre à 3 milliards d’euros : sur 1 761 000 foyers éligibles, 598 000 ne le touchent pas, soit 35 % (source ATD Quart Monde) car le dossier de demande est infernal à remplir, notamment à cause du jargon employé et de questions intrusives (nom des conjoints et des concubins successifs…).
D’ailleurs, dans le projet de France Travail, aucune allusion aux 3 milliards d’économie liés au non recours et aux moyens dédiés à leur résorption.
Monsieur le Président, il serait intéressant de savoir si le nombre d’allocataires augmente dans des secteurs déjà touchés par la précarité ou si cela se diffuse dans des territoires moins touchés auparavant.
Autre sujet de ce rapport, le Département s’associe à l’État (DDETS 56) et la Région Bretagne dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt conjoint pour soutenir le développement de solutions de mobilité solidaire, à destination des publics les plus éloignés de l’emploi. L’objectif est de « multiplier les possibilités offertes aux publics pour que la mobilité ne soit plus un obstacle à la reprise d’un emploi ou à l’accès à la formation ».
Sur le terrain, les gens (et ce n’est pas faute de volonté) n'arrivent pas à joindre les 2 bouts quand ils sont au RSA et le transport est un frein supplémentaire.
C’est Isabelle qui perçoit 600 € au RSA avec un fils de 20 ans, demandeur d’emploi qui doit payer 204 € par an pour se déplacer en bus…
C’est Sylvie qui perçoit l’ARE 21.31€ par jour, qui a deux enfants à charge et qui elle aussi paye 204 € / an de bus, et 87 € par enfant.
C’est Sandra qui perçoit 8.67 € par jour soit 268 € par mois et doit payer 20.40 € par mois le transport en bus.
C’est pourquoi nous pensons que la mise en place de cette mobilité solidaire pourrait être adossée à une expérimentation de la prise en charge totale de la solution de déplacement. En d’autres termes, la gratuité des transports pour les allocataires du RSA.
Nous vous proposons de l’expérimenter très concrètement en visant 50% des allocataires du RSA. En considérant les coûts moyens pour la location de véhicule et de déplacement en transports en commun, le montant annuel serait de 2 400 000 €.
En comparaison, cela représente le montant d’allocations RSA versés à 410 Morbihannais pendant 1 année. Vous voyez bien que cette solution est raisonnable et soutenable financièrement et aura des impacts très positifs sur le retour à l’emploi.
Aujourd’hui, se termine la semaine européenne de la mobilité. Symboliquement, vous pourriez prendre ce bel engagement.
Nelson Mandela a dit : « vaincre la pauvreté, ce n’est pas un geste de charité, c’est un acte de justice ! »
A nous de jouer dans le département du Morbihan !
Je vous remercie.
Catherine QUÉRIC