Monsieur le Président, chers collègues,
Ce débat d’orientations budgétaires marque indéniablement un tournant dans la mandature. Comme l’ensemble des contribuables français, les collectivités territoriales doivent faire face à la déplorable situation des finances publiques et à la nécessité de rétablir les comptes de la Nation.
Certes, l’Etat s’endette depuis un demi-siècle et tous les gouvernements y ont leur part de responsabilité (même si je ne peux m’empêcher de souligner que les années 2012-2017 ont été, de ce point de vue, moins mauvaises que celles qui ont précédé ou suivi). Mais avec un déficit qui équivaudrait à 6,1 points de PIB en 2024, les derniers Gouvernements Borne et Attal ont fêté d’une funeste façon le 50e anniversaire du dernier budget à l’équilibre en France (en 1974). En des termes plus crus, pour paraphraser une candidate que vous avez soutenu aux dernières présidentielles : « ils ont fini de cramer la caisse ». Les choix fiscaux des sept dernières années, en favorisant d’abord les plus riches, particuliers comme entreprises, nous ont conduit là où nous sommes.
D’accord pour agir, nous ne partageons pour autant pas les options retenues par le Gouvernement Barnier – qui est tout sauf un « Gouvernement de cohabitation » –, en particulier parce qu’il refuse de rétablir une plus grande justice fiscale et sociale.
Les principales collectivités vont contribuer à l’effort commun, dans des proportions qu’on peut juger peu équitables – notamment pour les départements, déjà fragilisés par l’augmentation contrainte des dépenses sociales – et selon des modalités encore brouillonnes, mais dont nul ne s’exonèrera. J’en viens donc à l’essentiel : les finances départementales du Morbihan.
Annoncé à 765 millions d’euros, le panier de recettes – dont la composition reste toujours illisible pour tout un chacun et déconnectée des contributions des Morbihannais – reste peu dynamique et devrait progresser sous l’effet de trois éléments :
- une reprise de provision du bail emphytéotique pour les casernes de gendarmerie (7,5 millions d’euros)
- une progression de la recette de la taxe sur les conventions d’assurance (+ 9 millions d’euros)
- une augmentation de la fiscalité sur les achats immobiliers (+ 14 millions d’euros)
Vous avez en effet décidé d’augmenter le taux des droits de mutation, dont les montants perçus ces derniers mois laissaient espérer, à taux constant, une stabilisation dans les mois à venir, après deux années de baisse.
Mais dans le même temps, vous ne vous saisissez pas d’un dispositif en place depuis quelques années : la taxe additionnelle départementale sur les séjours. Il nous semble que, si la situation s’annonce critique, il faut s’emparer de toutes les recettes disponibles. Dans le 5e département touristique français, avec 35 millions de nuitées par an, une telle recette ne serait pas négligeable (de l’ordre d’1,7 million d’euros) et reposerait en partie sur nos amis étrangers.
Dérisoire sans doute, me direz-vous, avec un budget tutoyant les 900 millions d’euros. C’est peu mais vous vous attaquez à des dépenses bien plus faibles dans « l’important plan d’économies » dont vous annoncez la présentation détaillée pour la session de décembre.
Sur l’autre volet du budget, vous prévoyez 722 millions d’euros de dépenses de fonctionnement, en progression du fait des besoins de financement des prestations sociales (notamment autonomie et protection de l’enfance, avec un point d’interrogation pour l’insertion demain avec l’entrée en vigueur des dernières réformes touchant le monde du travail)
Vous reconnaissez vous-même dans le rapport que 95 % des dépenses de fonctionnement relèvent de l’obligation légale, 5 % seulement sont volontaristes. Dès lors, faute de dynamisme ou de visibilité sur les recettes, vous souhaitez comprimer les dépenses de fonctionnement pour maintenir un niveau d’investissement conséquent. On peut s’interroger sur la pertinence de certains choix d’investissement
Des efforts sont faits :
● vous avez par exemple mis en sommeil le PST (ce qui peut se comprendre au vu du contexte, même si on peut redouter des effets en cascade sur l’emploi local) ;
● vous avez aussi prévu d’étaler certain projet dans le temps ;
● vous laissez entendre une profonde révision du dispositif de soutien au patrimoine, limitant les aides aux édifices publics ou classés ; pour vous avoir alerté sur ce point à de nombreuses reprises, on se réjouit d’avoir été entendu, tout en regrettant les 500 000 euros d’argent public versés en moyenne chaque année depuis le début du mandat pour les sites privés, souvent lucratifs et fermés aux visites
Mais vous maintenez des dépenses de prestige (1/2 million d’euros pour deux étapes du Tour de France féminin) ou les projets comme les aménagements portuaires de la Trinité et d’Arzon, affichés comme des priorités politiques, au nom de l’harmonie du territoire (projets amorcés de 34 millions d’euros pour la Trinité-sur-Mer et 30 millions d’euros pour le Crouesty à Arzon). Le public ciblé ne nous paraît pourtant pas prioritaire au vu des compétences du conseil départemental.
L’éléphant au milieu de la pièce, la variable d’ajustement pour protéger ces investissements, c’est la gestion des ressources humaines, avec des suppressions de postes évoquées mais pas encore quantifiées ni ciblées (même si on se doute du service qui sera visé). Si tel devait être le cas, vous vous doutez que nous joindrions nos voix à celles des défenseurs du service public.
On vous donne bien évidemment acte du débat, sans partager, vous l’aurez compris, les orientations proposées.
Je vous remercie.
Mathieu Glaz